Rejeté par tous, il démontra au monde qu’il valait bien plus que ceux qui l’ont repoussé en devenant milliardaire à partir de rien. Puis, il prit sa retraite assez jeune pour assouvir ses passions. La vie de Jack Ma pourrait être résumée ainsi. Une vie qui ferait rêver n’importe quel opprimé au monde. Un destin de rêve pour tous les rejetés sur terre. Jack Ma a d’autant plus de mérite qu’il est né dans le pays le moins propice à l’ascension sociale et à l’enrichissement capitalistique. Sur près d’un milliard et demi de chinois, ce petit bonhomme, autrefois fondu dans la masse, a réussi à sortir du lot et à devenir l’un des héros du continent asiatique. Comment a-t-il réussi cette performance ? Comment peut-on partir de rien et devenir l’une des plus grandes fortunes de ce monde ? Comment Jack Ma a-t-il réussi à braver les contraintes administratives et culturelles chinoises ? Seul un chinois comme lui pouvait réussir en Chine et s’imposer comme une icône pour des millions d’admirateurs. L’histoire est belle même si le doute est permis sur son happy end.
Pour faire du business en Chine, il faut se positionner soit dans le très haut de gamme, soit dans le discount. Le flair et la culture natale de Jack Ma l’ont tout naturellement incité à opter pour le second choix. Dans les mémoires collectives chinoises, les produits de luxe et le très haut de gamme sont souvent associés à des marques occidentales avec lesquelles il est difficile de rivaliser. Par-contre, pour les produits « pas cher », nulle autre nation ne sait mieux faire que les chinois. C’est sur ce terrain fertile et familier que Jack Ma a décidé de prendre le leadership, mais pour cela, il va adopter les principes qui font recette à la Silicon Valley et qui peuvent freiner les concurrents potentiels chinois ; voir grand et se préparer d’emblée à conquérir le monde.
Une vie de rejets
En seulement vingt ans, Jack Ma a démontré au monde qu’il pouvait se frayer une carrière fulgurante et atteindre les sommets, mais sans forcément s’attacher à cette vie de milliardaire actif.
On peut décomposer le parcours de Jack Ma en trois grandes périodes très distinctes. Une vie de rejets depuis son enfance jusqu’aux premières années de croissance de son enseigne mondiale Alibaba, fondée en 1999. Une vie euphorique de célébrité qui va durer jusqu’au 10 septembre 2019, date de son cinquante-cinquième anniversaire, où il annonça son retrait de la présidence du site e-commerce. Puis la vie du jeune riche retraité qu’il semble couler depuis cette date et qui a suscité bien des interrogations dans la presse et les médias. En seulement vingt ans, Jack Ma a démontré au monde qu’il pouvait se frayer une carrière fulgurante et atteindre les sommets, mais sans forcément s’attacher à cette vie de milliardaire actif. Au forum de Davos de 2007, il confia à propos de sa relation avec le régime communiste chinois, « Ma philosophie consiste à être amoureux du pouvoir mais sans jamais l’épouser ». En revanche, s’il y a un mariage qui semble lui avoir réussi c’est bien celui qu’il a eu avec son épouse, Zhang Ying, une enseignante qu'il a rencontrée à l'école, après l'obtention de leur diplôme à la fin des années 1980. Ce mariage y est certainement pour beaucoup dans l’ascension de Jack Ma car jusque-là, il n’avait fait qu’essuyer les échecs, y compris peut-être des échecs amoureux qui ne devaient pas l’aider à développer sa confiance en soi.
On peut dénombrer une trentaine d’échecs, fièrement contés par Jack Ma. Cela a démarré dès l’école primaire où il a échoué à deux reprises aux tests, puis trois fois à la seule école secondaire de sa ville natale, Hangzhou, et trois fois aux examens de passage à l’université. Né sous une mauvaise étoile, il a également reçu des dizaines de réponses négatives à ses demandes d’emploi. Les refus qui l’avaient le plus marqué sont ceux qu’il a essuyé dans la police, où sur les cinq candidats qui se sont présentés, il était le seul à ne pas être pris, mais aussi pour diriger les premiers KFC chinois où, sur les 24 postulants, il a vu les portes se fermer devant son nez après avoir assisté au recrutement des 23 autres candidats.
Sur 24 postulants, il a vu les portes se fermer devant son nez après avoir assisté au recrutement des 23 autres candidats.
A sa sortie de l’université de Hangzhou en 1988, Jack Ma décroche une licence en anglais. Il enchaîne les petits boulots comme livreur de magazines ou encore interprète, avant d’être engagé comme professeur d’anglais dans une université locale pour moins de 12 euros par mois. C’est d’ailleurs là qu’il rencontre son épouse qui travaillera plus tard avec lui à la création d’alibaba.com. Cette rencontre va lui donner des ailes. Il démissionne de son poste d’enseignant pour fonder Haibo, une agence de traduction qui peine à décoller. C’est pourtant cette petite entreprise qui va lui offrir l’opportunité de s’ouvrir sur le monde en 1995. Sollicité, comme traducteur, pour aller aux États-Unis recouvrir la dette d’une société chinoise, il découvre Internet et le fonctionnement fascinant des start-up de la Silicon Valley.
Lorsqu’on lui a fait la démonstration du fonctionnement des sites internet, Jack Ma était bouche bée. C’était un newbie. Il n’avait aucune expérience en informatique. Histoire de se familiariser avec le fonctionnement d’internet, Jack Ma poste une publicité pour son agence de traduction. Deux heures plus tard, il reçoit six emails de clients potentiels provenant des quatre coins du monde. C’est ce jour-là qu’il avait compris toute la puissance d’internet. Celle qui va le guider pour créer le mastodonte chinois, Alibaba.
De retour au pays, Jack Ma fonde China Pages, un site vitrine proposant à des sociétés chinoises de présenter leurs offres pour trouver des clients dans le monde entier. Les chinois ne croyaient pas encore à la puissance du net et son affaire fait chou blanc. Repéré par le ministère du commerce, seule administration chinoise connectée au réseau, il fut engagé en 1997 avec quelques amis pour fonder un site web afin de booster le commerce extérieur national. Jack Ma y voyait l’opportunité d’entrer dans le capital de cette structure innovante, mais son euphorie a été de courte durée. Là encore, il a été mis sur la touche. Décidément, ce mec-là n’a pas de bol !
Alibaba, naissance d'un géant
La découverte de la Silicon Valley avait donné à Jack Ma l’envie de suivre les mêmes parcours initiatiques que les porteurs de projets américains. Ses candidatures pour Harvard ont toutes été rejetées. Il en avait fait 10 ! C’est dire la ténacité du bonhomme. Face à tous ces échecs, Jack Ma a appris à « faire avec ». Plus il essuyait de refus, plus sa motivation devenait grande et inébranlable pour démontrer ses capacités de réussite.
Crédit photo Jolanda Flubacher, swiss-image.ch, World Economic Forum / Licence CC
En 1999, Jack Ma réunit 17 de ses amis dans son minuscule appartement pour les convaincre d’investir dans son projet de plateforme de vente en ligne qu’il avait décidé d’appeler « Alibaba ». Pourquoi ce nom ? Parce qu’il fait référence à la légende d’Ali Baba et les quarante voleurs dans le récit des mille et une nuits. Grand amateur d’arts martiaux et de mythologie depuis son enfance, Jack Ma aimait le concept de cette phrase magique « Sésame, ouvre-toi » qui donne l’accès à une caverne aux trésors. Il compte faire le parallèle pour promouvoir les trésors des petites entreprises chinoises. Il s’était dit aussi qu’Alibaba collait bien dans la plupart des langues et que le nom de l’enseigne sortirait en tête des annuaires, souvent conçus avec un classement par ordre alphabétique. Pour se distinguer des concurrents qui avaient déjà gagné la bataille du grand public, Alibaba se consacrera aux petites entreprises et sera d’emblée ouvert à l’international. Par ailleurs, la plateforme viserait aussi bien des transactions en BtoB, pour des commerçants qui achèteraient en gros, que des particuliers avec la mise en relation entre vendeurs et consommateurs. La vision de Jack Ma était simple ; Alibaba devrait grandir aussi vite que l’Internet chinois.
Coté à plus de 130 milliards de dollars, Alibaba est la marque non américaine la plus valorisée au monde. Elle devance McDonald’s, Nike et Louis Vuitton.
Finalement, après avoir prouvé au monde sa capacité à partir de rien pour arriver au sommet, le jeune guide touristique, Jack Ma, se voit offrir une retraite anticipée à 55 ans avec une fortune de près de 48 milliards de dollars. Le pire dans l’histoire est que Jack Ma n’est pas un dépensier. Il a toujours conservé des besoins simples et des passe-temps assez modestes. Il aime lire, écrire des romans de kung-fu, jouer au poker, méditer et pratiquer le tai chi. Il s’est toutefois intéressé à l’écologie lorsqu’un membre de la famille de son épouse a attrapé une maladie qui serait causée par la pollution. Depuis, l’environnement est devenu l’une de ses plus grandes passions. Puisse cette passion l’inciter à dépenser sa fortune plus pour la planète que dans le poker.
Jack Ma est placé 25e fortune mondiale. Il était devenu la première fortune de Chine avant de descendre au deuxième rang suite au fiasco boursier qui lui a fait perdre quelques milliards sur la route.
Découvrez l’histoire complète dans Business Story Magazine n°2 de juillet 2021.
Comentários