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Photo du rédacteurBusiness Story Magazine

Thomas Pesquet, nos problèmes terrestres vus du ciel

Jamais un astronaute n’avait aussi bien communiqué avec les terriens restés sur place. Plus qu’une fierté pour la France, Thomas Pesquet est un véritable don pour l’humanité. Au-delà de son aventure spatiale, il a réussi à nous faire partager son voyage à distance. Les expériences et tests qu’il a enchainés à longueur de journée sur l’ISS, la Station Spatiale Internationale, ne l’ont pas empêché de poster régulièrement des images de son quotidien et de notre terre vue d’en haut. Chaque jour, il nous faisait vivre un petit bout de son aventure en temps réel à travers les réseaux sociaux. Sa passion a été communicative. Il a conquis le cœur des fans, surtout des jeunes, qui ont commencé à le suivre par millions. Grâce à lui, nous découvrons une vision inédite qui nous permet de prendre de la hauteur et de nous interroger sur le sens même de notre vie sur terre.


« Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité ! ». Cette phrase est restée dans les annales. C’est celle qui a été prononcée par l’américain Neil Armstrong, le 21 juillet 1969, quand il a été le premier homme à avoir posé le pied sur la Lune. À la suite de quoi, il a planté un drapeau américain. Bien qu’il ne soit pas allé aussi loin, Thomas Pesquet, a été plus subtil dans la symbolique. Il a emporté dans l’espace un petit drapeau de chaque pays du monde. Le 17 juillet 2021, il a pris le temps de poster une image où il flottait au milieu de toutes ces bannières en la commentant avec un petit smiley « de nombreuses nations n'avaient jamais vu leurs couleurs dans l'espace - et maintenant si ». Doté d’un véritable caractère open mind, Thomas Pesquet est un personnage attachant. C’est aussi le premier astronaute open source, soucieux de partager son savoir avec l’humanité. Pas étonnant que sa popularité dépasse les frontières nationales.

De nombreuses nations n'avaient jamais vu leurs couleurs dans l'espace - et maintenant si !


Tout au long de son séjour à 400 km de la terre, Thomas Pesquet a réussi à nous régaler avec des sujets tellement vastes et variés, à l’image de son ouverture d’esprit et de l’immensité de l’espace où il a séjourné, que l’on ne sait plus où donner de la tête. Comment se préparent les cosmonautes pour vivre une aventure de cet acabit ? Comment on y va et comment on en revient ? Comment se passe une journée type dans l’espace ? Comment on se sent à chaque moment de la journée ? En quoi consiste la mission de l’équipage ? Qu’est-ce que l’on voit exactement à travers les hublots géants ? Comment perçoit-on la vie sur terre quand on est là-bas ? Quelles sont les sensations inédites que l’on ressent ? Qu’est-ce qui réjouit un astronaute ? Qu’est-ce qui semble lui manquer le plus sur terre ? … Des centaines de questions auxquelles Thomas Pesquet répond chaque jour, sans forcément attendre qu’elles soient posées par ses fans. Car il y a des sensations que, seul, lui pouvait nous transmettre sans que l’on puisse en imaginer la teneur.


La mission


Oui, commençons par là ! C’est quoi l’ISS ? en quoi consiste cette mission dans l’espace ? quels sont les enjeux ? qui dirige, qui finance, à quoi ça sert tout ça ? Vous l’aurez remarqué, ISS n’est autre que l’abréviation à l’anglaise - c’est-à-dire à l’envers – de Station Spatiale Internationale. En somme, c’est une espèce de laboratoire international en orbite dont la taille correspond à celle d’un stade de football. Avec une vitesse qui atteint 28000 kms à l’heure, l’engin fait quinze fois le tour de la terre par jour. S’il y avait des radars de limitation de vitesse sur le parcours, les occupants auraient un sacré débit de points sur leurs permis. Quand on a demandé à Thomas Pesquet s’il avait observé les déchets spatiaux composés par les satellites flottants autour de la terre, souvent pointés du doigt pour la destruction de notre couche d’ozone, l’astronaute réplique qu’entre la station et les matériaux flottants, « c’est comme si c’était deux balles de fusil qui se croisaient ». Difficile de les observer. Mais, grâce à des rafales de 1600 images en mode timelapse, on voit des points et des filets qui traversent les visuels.


Seize pays participent à ce laboratoire scientifique mis en orbite en 1998. Le but étant d’observer l’espace environnant de la terre et de mener des expériences biologiques, physiques et humaines pour évaluer les possibilités de vie en dehors du globe. La road map des recherches scientifiques est toute tracée. D’abord l’évaluation et l’optimisation des conditions de vie dans des stations spatiales, ensuite l’exploration de la lune, puis celle de la planète mars, quand la science aura justement progressé avec les résultats des premières étapes. La station, qui a nécessité 100 milliards de dollars pour sa construction, est financée en grande partie par la Russie et les États-Unis. Six astronautes l’occupent en permanence. Ils sont principalement issus de la Nasa, l’agence spatiale américaine, de Roscosmos, l’agence Russe et de l’Esa, l’agence spatiale européenne. Les astronautes s’envolent vers la station à bord de capsules Soyouz, qui sont utilisables quatre à cinq fois selon leur état de dépréciation causé par les voyages atmosphériques. D’autre capsules, plus performantes, sont en cours de développement par SpaceX et Boeing. Thomas Pesquet a fait partie de l’équipage de 2016. Aujourd’hui, à 43 ans, avec son expérience de commandant de bord, il est le plus expérimenté en dehors des Russes et Américains.



La vie dans l’espace


Les gestes sont simples avec le flottement, mais quand il faut mettre le scaphandre pour une sortie extravéhiculaire, c’est une autre paire de manches

Prélèvements médicaux, analyses du sommeil, observation de la pousse des plantes, effets de l’environnement spatial sur des créatures microscopiques, prises de vue régulières et bon nombre d’autres tâches rythment la journée de Thomas Pesquet et de son équipage à bord de l’ISS. La diversité des expériences ne laisse pas le temps à l’oisiveté. 100 types d’expériences réalisées lors de son premier séjour entre 2016 et 2017. 200 pour ce millésime 2021. « La clé c’est de s’occuper en permanence pour ne pas s’abîmer le moral ». Deux heures quotidiennes sont toutefois consacrées au sport pour entretenir le corps dont les muscles deviennent paresseux avec l’apesanteur. Les gestes sont simples, voir agréables avec le flottement dans les airs. Mais quand il faut mettre le scaphandre pour une sortie extravéhiculaire, c’est une autre paire de manches. L’armure est tellement lourde qu’elle résiste aux mouvements. On se bat dedans pendant 6 à 7 heures et on en sort très fatigué. Il faut quelques jours avant de s’en remettre.


La terre vue d’en haut


Il s’avère que Thomas Pesquet a également des talents de photographe. Les images qu’il partage généreusement sur ses fan pages sont tout simplement époustouflantes et, souvent, criantes de vérité. Les catastrophes naturelles touchant notre globe, vues d’en haut, sont impressionnantes. L’embrasement des forêts en Californie ou encore l’ouragan Ida sont tous immortalisés par le téléobjectif de l’ISS. Les descriptions de Thomas Pesquet sont assez terrifiantes. « On a comme une impression de fin du monde en regardant les masses de fumée s’avancer sur la plaine de Californie du nord. Mes pensées vont aux personnes qui ont été affectées et aux soldats du feu qui se sont battus pour protéger les habitations. ». « L’ouragan Ida faiblit enfin, ce qui est une excellente nouvelle, mais il a fait énormément de dégâts. Depuis l’espace il est d’ailleurs très impressionnant : le mur de nuages au centre fait plusieurs kilomètres de haut. ». « On voit la déforestation, les océans, des pays couverts de brouillard, des forêts en flammes, des tempêtes, des événements climatiques en direct. C’est effrayant ! ».



Déboires et nostalgies humaines


Comment nos problèmes de terriens sont-ils perçus de là-haut ? Est-ce qu’on a parfois des réflexions métaphysiques quand on est dans l’espace ? La réponse de Thomas Pesquet à ces questions est intéressante. « On n’y pense pas vraiment au début parce qu’on a la tête dans le guidon. Mais après, avec le temps, le dimanche, tu regardes la terre à travers le hublot, tu passes un coup de fil à ta famille, tu regardes dehors et tu réfléchis…Ce qui te marque le plus, c’est l’état de la terre, sa protection, on prend sa fragilité en pleine figure… Quand tu vois la planète depuis l’orbite, il y a des choses qui te paraissent vraiment ridicules, les lignes rouges sur des photos pour des frontières qui n’existent pas… car les nuages ne s’arrêtent pas aux frontières… Finalement, on est tous embarqués sur le même bateau. 7 milliards d’âmes sur un même bateau à travers le Cosmos. Autour, il n’y a rien ! La terre est le seul radeau de sauvetage. ».


L’une des anecdotes racontées par Thomas Pesquet et qui l’a marquée lors du retour de sa première mission, c’est quand il s’est retrouvé coincé pendant 3 heures dans un embouteillage, alors qu’il venait de quitter l’immensité de l’espace. Sa première pensée a été de se dire « mais qu’est-ce que je fous ici ? ».


Après six mois en apesanteur, on n’a plus la forme physique. On perd l’équilibre car on a perdu la notion de gravité du sol. Le moindre geste donne le vertige, vous rend malade. Se tourner sur une chaise ou mettre ses chaussures sont des mouvements pénibles pour tout astronaute à son retour au bercail. En revanche, il y a des plaisirs quotidiens sur terre dont on n’est pas vraiment conscients. Prendre une douche est le premier luxe que souhaitait se payer Thomas Pesquet à son retour. « Voir les gouttes composant des filets parallèles qui tombent directement au sol, à la Matrix, paraît complètement surnaturel. C’est un plaisir intense. ». Dans ses déclarations, Thomas Pesquet avait dit qu’il aimerait bien prendre un peu de temps pour lui après son retour sur terre, mais, avec le rythme adopté pour ses expérimentations spatiales, il n’arrive plus à savoir prendre du temps pour « ne rien faire ». Impossible de rester oisif ou inactif pendant 3 heures. Pourtant, il rêve d’une bonne nuit de sommeil sans échantillon de salive à prendre à 6h du matin. Lors de sa première conférence de presse après son retour sur terre, il déclare avec l’humour qu’on lui connaît ; « prendre une journée où je ne fais rien du tout sera ma plus grande expérience du moment. ».


Découvrez l’histoire complète dans Business Story Magazine n°4 de janvier 2022.

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